À cela sans accès
Une telle voix ne vient pas de nulle part. Mûrie, elle se dépose dans l’histoire, dans une réelle connaissance, un amour des avancées poétiques qu’a compté le XXe siècle. Et pourtant, elle s’adresse à nous d’un lieu sans trajectoire ni origine. Elle est. Elle parle et ne demande rien qu’advenir. Sans prétention, ni volonté de séduire, elle apparait, continuum qu’aucune image, ni circonstance ne fixent : nous l’écoutons (bruire).
Pure densité, l’écriture de Catherine Debaresde, qui signe ici son premier livre, aborde, avec le vertige de la grâce, la difficulté, voire l’inhumanité de tout dialogue. À ce titre, À cela sans accès est plus tentative de transcription de l’inhalation du monde, dans son opacité, qu’expression. Ce qui doit être dit, ce qu’exige le poème ne peut s’envisager qu’à travers un voyage dans la langue. Voyage qui est aussi sa perte, en tant qu’outil de généralisation, et sa propre finalité puisque s’y dessine une trajectoire entre silence et discours, intime et extérieur où la poétesse conquiert son être. Ainsi plongée dans l’idiome, Catherine Debaresde en fait sourdre des éclats qu’elle travaille à bras le corps, dans une sphère où les notions de syntaxe, d’oralité, de ponctuations sont élargies afin de dresser les parois du sensible. Un sensible habité.
À travers l’impossibilité qu’ils révèlent, provoquent et mettent à mal, à travers leur puissance contenue aussi, les poèmes d’À cela sans accès constituent la gageure réussie d’une voix nouvelle.
Extrait
– À cela sans accès –
plans innombrables maintes fois défaits
rétablis dans le désordre
épars puis déchirés
partie démise
ivre l’herbe goinfrée de terre
pelletées fraîches
creusées fébriles
les corps à corps séparés
sinuent en silence
pas à pas épais
leurs gestes imprégnés
à la source
de chaleur engrillagée
les paumes se frôlent
dans l’allégresse
jusqu’au face à face
à cela sans accès