Le lièvre veille

Extrait:

Toujours plus simple
et plus simple
et tout à coup
le bouton se mue en fleur
et la fleur en fruit
qui s’éparpille en pépins
dont la tombe dort
tout un long hiver
où le monde s’ensevelit
jusqu’au seul horizon de la mer
entre tes lèvres qui parlent d’infini.

Critique:

Avant de récemment nous quitter, Leggelo avait heureusement réuni ses derniers poèmes. Rendez-vous essentiel. Comme s’il avait, par un ultime coup de maître, rassemblé dans les mots les couleurs et les traits par lesquels il avait balisé sa vie. Les notes aussi qu’il confiait au piano. Est-ce de là que vient ce “lièvre” transfrontalier qui veille sur ses sillons de poésie ? Européen né à Djakarta, et traducteur en plusieurs langues, il avait choisi le français pour écrire en poésie. Plusieurs musées conservent son œuvre picturale que nous souhaiterions voir un jour rassemblée en une exposition. Où figureraient de concert les plus belles pages d’une poésie dont les mots, les phrases sont comme taillés dans le bois, sculptés dans l’espace, retenus, fixés dans la durée, comme “une calligraphie d’arbres/sur un ciel d’automne/où volent des cygnes”. Car il semble qu’il n’y ait jamais eu de césure entre les encres, fusains, aquarelles de Leggelo et les traits et demi-teintes d’une poésie qui s’apparente parfois à l’esprit du haïku. Quatre fusains, en cet ultime recueil, semblent surgir de cet univers où la vie est toujours aux lisières de la mort, où l’arbre dont “on sent le cœur qui bat dans la sève” est le compagnon, le vrai témoin de l’homme qui “aperçoit la lumière intérieure aux racines”. Un recueil qui induit à relire tous les autres, et dont il est impossible de perdre un mot, une image, une seule couleur intérieure. Qui nous invite avec le poète à lever “le regard avant de plonger dans la mer”.